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Les centres aquatiques : comment les faire sortir du lot ?

Photo architectes CAO
La tribune
Temps de lecture : 4 minutes
Un centre aquatique fait appel à de nombreuses ressources pour son fonctionnement mais c’est aussi un équipement de service public au même titre qu’une bibliothèque dans la mesure où il favorise les rencontres, et l’accès à l’apprentissage de la nage et à la compétition sportive. Cet équipement sportif représente de multiples potentiels pour un quartier ou une ville dès lors que l’on prend en considération son usage, son héritage, son intégration urbaine et sa dimension sociale.

Sonopolis donne la parole aux architectes du Centre Aquatique et de son franchissement à Saint-Denis. Cette structure est conçue pour accueillir des compétitions de natation d’ampleur nationale et internationale et inciter le grand public, habitants et usagers du territoire métropolitain, à la pratique sportive. Cécilia Gross, associée au sein du cabinet d’architecture et d’urbanisme néerlandais VenhoevenCS, et Laure Mériaud, architecte associée des Ateliers 2/3/4/, agence française d’architecture, d’urbanisme et de paysage, exposent leur vision commune de ce bâtiment dont la durée de vie est prévue pour s’étendre bien après les Jeux de 2024. 

Par Cécilia Gross et Laure Mériaud

Conscientes des raisons pour lesquelles sont attaqués les centres aquatiques avec des enjeux parfois trop court-termistes et qui vont à l’encontre de la sobriété, nous pensons souhaitable de se poser la question du fondement d’un projet comme celui de Saint-Denis  et du centre aquatique en règle générale. 

Penser un projet mixte, dessiner les contours de l’inclusion sociale

Quelle idée véhicule-t-on derrière l'apprentissage de la nage ? Au-delà de la notion de plaisir, c’est également une question de survie et d’assistance. Savoir nager pour pouvoir (se) sauver. Lors des entretiens menés avec les habitants de la ville de Saint-Denis pour comprendre le contexte social dans lequel s'implante ce projet, beaucoup d’intervenants ont insisté sur le véritable frein à l’inclusion sociale que représentait le fait de ne pas être en mesure de nager. Par ailleurs, un centre aquatique soutient des enjeux de santé portés par l’activité sportive aquatique. La présence d’un tel équipement dans une ville devient alors une contribution publique pour améliorer le bien-être et le rapport à la ville des habitants. 

L’appropriation de ce type d’équipement sportif - en dehors de toute considération exceptionnelle comme une compétition sportive - a des chances d’aboutir si le lieu n’est pas conçu comme un espace clos, mono-fonctionnel et pensé pour un usage mono-utilisateur. Le sujet des accompagnants est réel, dès les premières esquisses du projet. Quels sont les espaces qui leur sont réservés ? Que fait celui qui ne se baigne pas en attendant l’autre ? Penser l’inclusion revient à se demander jusqu’où on peut explorer le bâtiment sans être dans l’obligation de payer un ticket ? Comment créer des transparences, particulièrement dans un centre aquatique où la pudeur entre en compte ? Comment rendre visibles les différents sports présents ? La grande préoccupation de notre métier consiste à trouver la bonne mesure entre la consommation énergétique, l’intégration écologique dans le territoire et la perception du bâtiment dans le quartier. 

Une architecture qui invite et inspire les rencontres 

Chaque projet s’accompagne des questions qui lui sont propres dans son contexte environnemental actuel et futur. Aujourd’hui, s’il nous paraît essentiel de construire de tels projets en pensant une structure qui permet d’accepter les aléas climatiques plutôt que de chercher à les contrer, il est tout aussi important de considérer l’architecture de ces équipements multi-fonctionnels. À l’heure où l’activité physique des jeunes est une vraie préoccupation de santé publique et dans une période où la jeunesse se remet à peine de ces deux années de restrictions et de confinements, il convient de faire émerger des lieux qui donnent envie de sortir de chez soi. Le postulat est aussi basique que cela mais la bataille de l’architecte se joue en partie sur l’acceptation de ce constat par les décideurs et par les investisseurs. Ensuite, à eux et à nous de trouver une manière de rendre l’espace attractif en jouant avec la lumière, les volumes, la qualité des matériaux, le choix des teintes, le parcours. La maintenance et la gestion des lieux entrent également en compte au moment de la conception parce que nous savons que ces espaces hybrides posent de nouvelles problématiques sur le fonctionnement, l'attribution de la gestion et de la sécurité (service public ou entreprise privée, souvent les deux…) . Néanmoins, nous portons la conviction que ces équipements sont des moteurs de rencontres et que l’apport d’une connexion, d’un franchissement comme c’est le cas avec le Centre aquatique de Saint-Denis, donne une autre dimension à la ville, à la circulation entre quartiers. L’impact sur le long terme est considérable avec une plus-value sociale et économique qui n’est que trop rarement calculée dans les plans d’urbanisme et de mobilité. 

Changer d’angle, emprunter le regard de l’habitant, de l’enfant, du nageur en compétition ou du flâneur… C’est le subtil travail qui revient aux concepteurs de la ville de demain : faire émerger des lieux où chacun peut y trouver sa place. Comme des espaces qui portent en eux la promesse d’une ouverture sur le territoire et d’autres champs des possibles pour s’épanouir en milieu urbain.