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Le bureau de demain sera adaptable, ou ne sera pas !

Visuel tours de bureaux
La tribune
Temps de lecture : 5 minutes

Comme les modes de vie ou les territoires, le monde du travail est en mutation. Pour accompagner ces transitions, les immeubles de bureaux se métamorphosent et s’adaptent. Comment ? En anticipant les changements d’usage, la mutualisation des espaces de travail et la réversibilité. Une démarche qui a des conséquences directes sur la conception des bâtiments de demain et sur leur place dans la ville. 

Diplômé de l’école Centrale Lille, avec une spécialisation en aménagement, construction, environnement et génie civil, Joris Duquoc, après un début de carrière en tant qu’ingénieur travaux chez Bouygues Bâtiment, est Directeur Régional chez Linkcity Sud Est et référent tertiaire. Nous lui donnons la parole aujourd’hui afin de décrypter les enjeux liés à la métamorphose des immeubles de bureaux et à leur adaptabilité, une réponse et un accompagnement d'un monde du travail en pleine mutation.

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Potrait Joris Duquoc

« Il y a un basculement fort pour que les immeubles de bureaux s’adaptent aux changements de société. »

Joris Duquoc, Directeur Régional chez Linkcity Sud Est et référent tertiaire

Si le besoin de modularité et d’hybridation des espaces de travail dans les immeubles de bureaux n’est pas une nouveauté en soi, on observe aujourd’hui, en revanche, une forte augmentation des demandes et besoins des collaborateurs pour davantage de flexibilité dans les usages. Ce mouvement va vite, très vite, et s’amplifie avec la digitalisation des activités des entreprises. Après dix-huit mois de crise sanitaire, les habitudes ont été bousculées et la façon dont les salariés, mais aussi les employeurs, appréhendent l’espace de travail s’est radicalement transformé. Et ce d’autant plus que tous ont saisi l’intérêt du télétravail et ressenti le besoin de revenir au bureau a minima quelques jours par semaine.

Penser des espaces adaptés à tous les modes de travail

De fait, salariés et employeurs sont interdépendants : les premiers ont découvert que le télétravail pouvait avoir un impact positif sur leur qualité de vie, tandis que les seconds ont compris qu’ils devaient rendre attractifs les lieux de travail pour donner envie d’y retourner. Résultat pour demain : une nouvelle approche pour des immeubles de bureaux adaptés aux changements de société. Il s’agit de créer des lieux pour des salariés qui sont à la fois en télétravail et sur place. Ce nouvel espace bureau, nécessairement digital, s’appuie sur ces deux aspects. C’est une donnée relativement inédite et désormais incontournable : un bureau physique, mais ultra connecté. Soit une modularité des modes de travail et d’organisation qui impose, de fait, celle des espaces de travail. Plus concrètement, certains immeubles font la part belle au bois pour créer des lieux de travail apaisants ; les bureaux sont accueillants, adaptables rapidement (open-space, coworking…), avec des zones aménagées pour favoriser les rencontres entre collaborateurs qui font défaut dans une situation de télétravail. De même, une attention toute particulière est accordée aux espaces extérieurs, lesquels sont agrandis et dotés de terrasses végétales pour une meilleure connexion avec la nature.

Pour demain : éviter l’obsolescence

Et cette modularité n’est qu’une première étape. Car ces transformations dans nos modes de vie et de travail entraînent une mutation plus profonde : l’hybridation des bureaux. Ici, il ne s’agit pas seulement d’avoir des lieux modulaires ou modulables, mais bien d’optimiser les bâtiments de bureaux afin d’éviter l’obsolescence, de limiter le gaspillage de ressources et de mixer les usages. Citons, pour exemple, le concept du lieu hybride Garage, à Lille, réalisé par Christophe Levyfve, fondateur et président de Garage et dont Linkcity est partenaire de développement. Conçu dans un ancien garage automobile – d’où son nom –, le bâtiment mixe les usages, ce qui multiplie les temps d’utilisation : bureaux en journée, restaurant le soir, boutique le week-end. Cette densification des usages offre nombre d’avantages, notamment sur le plan économique : l’exploitant bénéficie ainsi d’un bâtiment à fort potentiel, et l’usage maximisé des espaces permet d’en réduire le coût d’exploitation. Un autre intérêt porte sur l’aspect environnemental : autoriser l’installation de commerces durant le week-end permet de limiter la création de nouvelles surfaces commerciales… Sans oublier que construire moins et plus efficace, c’est être plus vertueux sur le plan des émissions de CO².  

Pour demain : s’intégrer aux stratégies de renouvellement urbain

L’hybridation des bureaux de demain peut prendre une autre forme. En atteste, à Montpellier, le Saint Roch Social Club (Cusy Maraval architectes), dont la livraison est prévue au premier trimestre 2023. Ce bâtiment déploie sur 7300 m² et sept étages, espaces de coworking, hébergement hybride, coliving, restauration, mais aussi lieux de détente ouverts à tous, services et agriculture urbaine sur le toit. Ce qui importe, ici comme à Lille, c’est que ces projets innovants dans les usages s’inscrivent dans un cadre plus large de la transformation de la ville sur elle-même. Ces immeubles, souvent en centre urbain hors quartier d’affaires, les villes en sont friandes. À Montpellier, c’est un élément majeur de la métropole dans la stratégie de renouvellement urbain, avec une localisation en cœur de ville.

Pour demain : engager un cercle vertueux 

Idem à Lyon, avec le programme #Work1 de David Chipperfield Architects. Le bâtiment, livré fin 2021, franchit une autre étape : celle de la réversibilité des espaces de travail. Plus clairement, il s’agit ici d’anticiper le changement d’affectation – soit des bureaux transformés en logements –, en accompagnant les évolutions des modes de vie et la mutation des territoires. En effet, le bâtiment est situé à proximité immédiate de l’autoroute A7, laquelle longe le quartier de La Confluence. Compte tenu de cette proximité, difficile d’y concevoir autre chose que des bureaux. Mais l’autoroute, déclassée, sera transformée en un boulevard urbain apaisé, d’ici à 2030. L’immeuble pourvu de larges balcons filants pourra donc, si le besoin est, accueillir des logements. Anticiper les changements, c’est réduire de facto le coût de la réversibilité. Autre aspect et non des moindres : la dimension environnementale des bureaux de demain. Ainsi un bâtiment conçu pour être réversible aura une plus longue durée de vie.

On le voit, avec ces approches, modularité, hybridation, réversibilité… Autant dire un cercle vertueux à tous points de vue, pour les usagers, les exploitants, les collectivités, ou encore l’environnement.

Par Joris Duquoc