
Se fondre dans les espaces interstitiels d’un lieu déjà très dense
En dehors de la perspective des Jeux de 2024, Paris est sous-doté en termes d’équipements sportifs par habitant. Le programme de l’Adidas Arena répond à ce besoin notamment avec les deux gymnases attenants destinés aux sports de proximité. Implanter cet équipement en bordure du périphérique est un choix politique audacieux pour donner une impulsion durable à la restructuration de ce quartier. De fait, nous avons souhaité que ce bâtiment soit supporter de la transformation urbaine de ce quartier parfois trop dense pour ses habitants. L’emplacement de cet équipement public a été le point de départ qui a accompagné toute notre réflexion sur l’architecture de ce lieu que l’on a voulu ouvert sur la ville. Cette pensée se lit à travers l’épaisseur spatiale et temporelle des seuils que l’on a développée afin de mettre chacun dans une position rassurante. Le rez-de-vie est très largement vitré avec de larges zones déambulatoires. En repoussant toutes les circulations verticales au centre, cela a permis d’ouvrir l’espace et d’y mettre des salons dans lesquels l’usager a tout le loisir de regarder la vie extérieure en étant protégé par l’infrastructure intérieure. Ce dispositif est décliné au premier étage qui offre un autre point de vue, comme un balcon sur la ville, tout comme la terrasse qui propose encore une autre animation de la métropole avec des profondeurs de champs différentes. Cet espace à la fois compact et ouvert à 360 degrés est notre réponse architecturale à ce maintien du lien entre la ville et ses usagers. Nous visons une accessibilité quotidienne du lieu : il n’était pas envisageable pour nous d’envelopper les volumes mais plutôt de rendre visible ce qu’il se passe à l’intérieur et laisser libre cours à chacun d’imaginer ses propres allers et venues. C’est un prérequis à l’appropriation des espaces qui se traduit aussi par un ensemble d’éléments, de l’accessibilité universelle en passant par le choix de faire résider le club du Paris Basketball, sport urbain qui cherche à fédérer et à se faire une place importante dans le tissu dense de la ville.
Promouvoir une accessibilité quotidienne et universelle au sein d’un équipement exemplaire
Cette infrastructure publique est ouverte sur l’extérieur mais aussi ouverte sur le handicap et apte à accueillir un public à mobilité réduite comme des personnes atteintes de troubles autistiques ou du comportement grâce à la Sensory Room. Cette salle permet de s’apaiser tout en continuant de profiter du spectacle en cours. Prendre soin de la ville et de ses usagers : un leitmotiv que nous appliquons dans la conception de nos bâtiments puisque nous construisons aussi des hôpitaux psychiatriques, ce qui nous amène à comprendre davantage le rapport à l’espace des personnes autistes avec des pièces plus confinées, un lieu qui contient tout en restant au coeur de l’événement. Une fois encore notre fil conducteur concernant l’épaisseur des seuils et le cheminement dans l’enceinte du bâtiment nous a servis pour construire cette salle atypique.
Par ailleurs, se fondre dans un tissu aussi dense que celui du quartier de la Porte de la Chapelle a demandé une importante réflexion sur les matériaux et a permis de faire émerger des innovations et des techniques de construction non conventionnelles afin de ne pas alourdir le paysage actuel mais plutôt de s’insérer en douceur dans le coeur de l’environnement existant. Une architecture du nécessaire qui épouse les contraintes du terrain se traduit aussi par une exemplarité écologique dans la conception des lieux. Le complexe de toiture végétalisée de 6 300 m² va venir se fondre dans la canopée déjà existante, spécificité inattendue dans cette zone de Paris. L’utilisation de terre crue, un matériau écologique, dans la zone déambulatoire provient en partie des déblais du Grand Paris Express. L’utilisation d’un béton HUKR (ultra bas carbone) directement produit sur le site est une première en France. Quant aux sièges des gradins 100 % recyclés, ils proviennent d’une entreprise de la région qui fabrique également les sièges du Centre Aquatique et son franchissement à Saint-Denis, autant d’exemples mis bout à bout qui caractérisent notre démarche autour du soin apporté à la construction d’une ville saine et pleine de bon sens.
Pour mettre un point final à cette tribune, il nous semble indispensable de conclure par l’importance de la phase héritage du projet. Bien sûr, les compétitions sportives donnent l’impulsion pour construire ce type d’équipement sportif et culturel. Mais l’usage et l’appropriation par les habitants du quartier et la population locale restent les véritables marqueurs de réussite d’un programme d’une telle ampleur.
Crédit photo : NP2F, SCAU