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Centre aquatique et franchissement à Saint-Denis : un héritage sportif, social et urbain

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L’article
Temps de lecture : 4 minutes
Si le centre aquatique à Saint-Denis a été conçu pour recevoir des compétitions nationales et internationales, dès 2025 il ouvrira ses portes au grand public, adultes comme enfants. Comment pense-t-on un tel équipement avec des usages aussi différents ? Quelles sont les facettes de cette seconde vie et comment valorise-t-on cet héritage dans le temps ?

Être à l’écoute des futurs utilisateurs  

Les échanges préalables entre les habitants de Saint-Denis et les acteurs du chantier ont révélé la volonté des parties prenantes d’optimiser les usages de cet équipement pour la population. “On a pris conscience, à travers cette consultation, que savoir nager était une capacité avec une réelle utilité mais qu’il fallait aussi faire en sorte que cet équipement ne soit pas mono-fonctionnel pour motiver la venue du plus grand nombre” explique Cécilia Gross, Associée du cabinet d’architectes Venhoeven CS. L’enjeu pour le centre aquatique est double : plus qu’une piscine, plus qu’un bassin de natation ou qu’un équipement sportif au sens large, le but est d’en faire un lieu de vie, initiateur de rencontres grâce aux multiples activités qu’il accueille (terrains de padel, mur d’escalade, espace fitness, lieu de restauration, bassin dédié aux activités sportives comme l’aquagym). Il est également le point de départ d’un futur éco-quartier, promesse d’une nouvelle dynamique sociale et économique pour la ville qui prend tout son sens avec le franchissement piéton posé à l’été 2022 au-dessus de l’autoroute A1. Cette passerelle permet de relier le centre aquatique au Stade de France d’un point de vue pragmatique mais aussi dans la perspective d’atténuer la fracture territoriale entre ces deux quartiers.   

Côté construction, ce type d’espace multifonctionnel représente un défi exceptionnel. “Plusieurs modèles mathématiques ont dû être développés pour analyser le comportement de la structure, particulièrement souple, et la rendre constructible … ; les multiples jeux de plans, pour l’héritage et la haute compétition ajoutent encore un niveau de complexité supplémentaire. Ce projet atypique marquera l’histoire du Groupe” reconnaît Mathieu Tommy-Martin, Directeur de travaux sur le chantier réalisé par Bouygues Bâtiment Ile-de-France.   

  

Une architecture ambitieuse au service d’un projet durable  

Les phases de consultation et le travail collaboratif semblent être les marqueurs forts de cette prouesse architecturale qui incarne à elle seule les nouveaux défis de la construction : modularité, réversibilité, sobriété énergétique, matières recyclées et biosourcing des matériaux. L’héritage ne se joue pas uniquement dans la fonction du bâtiment mais également dans sa conception dont l’empreinte carbone se doit d’être la plus légère possible face au changement climatique en cours. Le bois, matériau star de l’édifice, a été choisi pour ses capacités de stockage de CO2 sans en être émetteur. La charpente composée de 91 poutres fait déjà office de cas d’école puisqu’elle est désormais considérée comme la plus grande toiture tendue au monde construite avec ce biomatériau et vient contredire l’idée reçue que bois et eau ne pourraient cohabiter. Si la construction en bois en sortira grandie de manière générale après l’ouverture du complexe sportif, la voûte inversée de la toiture marque aussi les esprits. Ce choix architectural permet de réduire le volume du bâtiment et donc de limiter sa consommation de chauffage. L’attractivité et l’esthétique des lieux sont évidemment un fil rouge dans le travail des deux architectes associées, Laure Mériaud (Ateliers 2/3/4/) et Cécilia Gross (Venhoeven CS) “parce qu’il faut donner envie aux gens de se déplacer” s’enthousiasme l’une. La polyvalence et la modularité des espaces font aussi l’originalité de ce bâtiment. “Surdimensionner un bâtiment pour deux semaines n’a pas de sens alors nous avons réfléchi à sa flexibilité et à une vision économique de l'espace", renchérit l’autre. Ainsi, une partie des tribunes est provisoire (capacité d’accueil de 5 000 places pendant les compétitions nationales et internationales), le fond et les quais sont mobiles pour s’adapter aux usages et éviter d’étendre le bâtiment sur une surface trop importante. Sur une superficie totale de 2,4 hectares pour le site, le centre aquatique n’occupe que la moitié, laissant ainsi la part belle à la végétalisation des espaces extérieurs. Compact, le bâtiment se déploie et se rétracte comme un organisme vivant. Edifice de toutes les premières fois et de tous les records en termes de sobriété environnementale (bilan carbone inférieur à 30 000 tonnes équivalent CO2 par an ; alimentation de l’équipement par 90 % d’énergies renouvelables ; récupération à 50 % des eaux utilisées), sa structure légère et flottante lui donne cette impression de mouvement et semble symboliser ainsi l’époque dans laquelle il s’inscrit : hybride et sobre.